La date un gage d’authenticité



[4 princesses avec leurs esclaves], entre 1865 et 1905 [sic]
Créateur non identifié
Archives départementales de La Réunion, Albums photographiques de Madagascar, 56FI153

Alfred Capus. Les Pensées

“Il vaut mieux dater d’un siècle que d’une saison. »

Pour les collecteurs d’images que nous sommes, la date est une obsession. Par l’indication précise du jour, du mois, de l’année, d’une période où une image a été créée, nous allons pouvoir (re)situer cet objet d’Histoire dans le temps et envisager une reconstruction rigoureuse et objective du passé.

Hormis la précision des iconographies légendées, la traque des indices prend souvent des allures de travail de bénédictin : supports de l’image, procédés techniques, diagnostics de la conservation préventive permettant d’authentifier l’œuvre étudiée. Au-délà de la haute technicité de ces outils qui fixent le temps de la création, d’autres détails vont se révéler pertinents comme marqueurs chronologiques : un événement de l’Histoire, la mode vestimentaire, des éléments du progrès technique ou de l’architecture… Ces traces posent des repères en rien intangibles. Désormais les terminaux interconnectés viennent enrichir substantiellement cette quête chronologique.

La photographie positive proposée n’a pas manqué d’interroger la communauté virtuelle.

Le constat reposait sur une période de datation erronée donnée par le documentaliste. Les princesses malgaches et leurs esclaves auraient été immortalisées entre 1865 et 1905…Or l’abolition de l’esclavage et de la corvée fut proclamée en 1896, il devenait dès lors impossible d’avoir comme borne ultime l’année 1905. La mode vestimentaire (qui a suscité débat) venait circonscrire les bornes chronologiques entre la fin du Second Empire français et début de la Troisième République soit entre 1865 et 1875.

L’histoire prendra par la suite une tournure différente avec la publication de ce portrait de groupe… Les personnages s’animent avec les informations circonstanciées fournies par un érudit :

La fille assise au premier plan (à droite) n’est autre que la Princesse Rasoanjanahary, nièce de la Reine Ranavalona II, fille du Prince Ramahatrarivo I. L’autre fille de haut rang à sa droite serait probablement la Princesse Rasoaveromanana, une autre nièce de Ranavalona II.

La distinction sociale est perceptible entre les nobles vêtues à la mode européenne et les domestiques recouvertes du traditionnel lamba malgache. Au-delà de la date, notre regard dessine déjà les contours d’une autre Histoire…

N’y observer [dans l’Histoire] que les faits et les dates, sans porter plus loin sa curiosité ni ses vues, ce serait imiter l’imprudence d’un voyageur qui, en parcourant beaucoup de pays, se contenterait d’en connaître exactement la distance”, [Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. II, p. 4] .

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