Le 11 novembre donne lieu depuis quelques années dans notre île à une double commémoration :
– celle, séculaire, de l’armistice de la Grande Guerre, dont les célébrations spécifiques du centenaire lui confèrent depuis 2014 un caractère particulier ;
– celle plus autocentrée du souvenir des travailleurs engagés à La Réunion rappelant chaque année la fin de l’engagisme indien entérinée par le décret franco-britannique du 11 novembre 1882, cérémonie élargie depuis à l’ensemble des personnes venues travailler dans l’île sous contrat et devant passer par le Lazaret de la Grande Chaloupe, avant d’être disséminées sur les plantations.
Illustrer l’un et l’autre événement calendaire demandera à l’historien de la précision dans ses recherches, et il s’appliquera à donner du sens à une cérémonie officielle, au groupe qui se souvient et se réunit autour d’un « topos » pour conforter sa mémoire collective.
Pour illustrer la journée des travailleurs engagés, il pourrait se laisser facilement convaincre à la vue de ces magnifiques tirages positifs (de plaques de verre) de la collection Legras exhumés récemment par les Archives départementales de La Réunion. Somme toute y a-t-il de réelles chances pour que ces portraits soient ceux de travailleurs engagés. L’enthousiasme suscité par la qualité esthétique de ces plaques photographiques ne doit pas pourtant céder à une quelconque frénésie… Si la probabilité est forte, le professionnel de l’histoire se gardera de proposer ces images. Il procédera à une reconstitution raisonnée du passé en orientant son choix sur les lithographies de Louis Antoine Roussin, qui de surcroît, mentionnent toutes dans leurs légendes « travailleurs libres ».
Ainsi l’historien se méfie des apparences, des icônes affichées parce qu’elles sont belles, il les « lit », préférant affirmer ce qu’il peut prouver… Il donnera ainsi à l’image une consistance nette, qui l’impose.